Almanara Magazine

Le «CREDO», Symbole des Apôtres: Y a-t-il besoin de le rénover?

P. Malek ABOU TANOUS, m.l.

L’ appel à une simplification de la foi devient de plus en plus grand. Un  phénomène pareil est constaté, non seulement au niveau des dires de la foi, mais aussi dans le domaine de la piété et des coutumes religieuses. Les Eglises sont démeublées et se trouvent presque vides. Plusieurs anciens actes de piété, telles les processions, sont abolis. De tout cela, nous saisissons la marche vers une ordonnance de ce qui est seulement convaincant et nécessaire pour croire et pour être chrétien. Mais ce chemin d’une «concentration» sur l’essentiel de la foi, qui est vu comme seule issue pour quelques-uns, semble signifier pour plusieurs d’autres une liquidation du christianisme, un minimalisme, un ravage atroce.

L’appel à la simplification de la foi n’est pas aussi dramatique et dramatisant, comme le croient quelques partisans du traditionalisme figé. Pour ceux qui sonnent le glas de la foi, il est bon de citer ces mots de Jean Delumeau dans son livre: «Le Christianisme va-t-il mourir?» Il pose la question: «Où sont passés ces chrétiens qui jadis remplissaient les églises et processionnaient dans les rues…?», et après une longue analyse socio-religieuse du problème, il finit par conclure: «Cette foi que l’on croyait jadis aussi vivante, n’est pas aussi morte qu’on ne le croit aujourd’hui» (1).

La routine baptisée Tradition, trésor sacré dont l’abili est l’Esprit-Saint n’est-elle pas la résultante d’une théologie encore perdue dans une glèbe pré-conciliaire? Le navire a changé de direction; le mot de Vatican II: «Aggiornamento» s’est imposé presque partout. Que faut-il faire: enterrer la tradition et reléguer au grenier les anciennes coutumes? Ou bien en faire une source pour une saine rénovation? Vatican II s’est ensuivi de refus d’obéissance, d’incompréhensions, d’abandons, et même de souffrances. Plusieurs ont jeté le froc aux orties: les uns ayant vu dans la modernisation et le renouveau une divergence et une perversion, les autres jugeant le retour aux sources par régression.

Encore une chose à remarquer: le monde a la nausée des mots, ces mécanismes de pensée lui donnent envie de vomir. Quand même, les cris pour de nouvelles formulations et de nouvelles expressions ne cessent pas. Tel est le cas des formulations de la foi!

Le problème d’un «Abrégé de la foi» est un problème – nous pouvons dire ­récent. C’est après Vatican II que l’intérêt pour ce qu’on appelle «Kurzformeln des Glaubens» s’est développé très explicitement et largement. Pour cette appellation «Kurzformeln des Glaubens», qui est tout à fait allemande, nous adoptons deux traductions: une première déjà employée par François Varillon, à savoir: «Abrégé de la foi»; une seconde que nous proposons nous-mêmes: «Les brèves formulations de la foi». Cette deuxième traduction ne diffère point de la première. Elle est seulement la traduction littérale de l’expression allemande. Pour cela nous citerons ces deux traductions dans une unanimité de sens.

Pour aborder ce problème de brèves formulations de la foi, il faut avant tout se poser la question sur la contingence du Symbole de la foi. Le Symbole de la foi est-il contingent, et dans quelle mesure? Comment faut-il le comprendre? Sa contingence implique-t-elle la nécessité d’une nouvelle structure?

Cette question sur la contingence du Symbole forme la première partie de notre article. Une deuxième partie traitera de la nécessité d’un abrégé de la foi, de son exigence. La situation de la foi est le lieu d’exigence de cet abrégé. Et en même temps, nous nous interrogeons sur la possibilité théologique d’un tel abrégé. La troisième partie présente quelques exemples – modèles d’abrégés de la foi à travers l’histoire: dans l’Ancien Testament, dans Ie Nouveau Testament, au Moyen­-Age et à l’époque modeme. La quatrième partie est un essai concret d’un court abrégé de la foi. Nous transposons les brouillons de Rahner, l’ébauche de Varillon, le croquis du Synode d’Oberlin, la maquette de Schoonenberg, le Symbole de Exeler, et le projet du Cardinal Bevilacqua.

Le problématique d’un abrégé de la foi, touche à beaucoup d’autres points, tels: la délimitation ou les bornes d’un tel abrégé, la concentration des expressions, les critères d’une formulation brève, la fonction d’une formulation brève et son intérieur, etc … Mais nous ne pouvons pas aborder toutes ces questions dans un article. Nous concluons notre article avec une conclusion qui récapitule le sens d’un abrégé de la foi.

1. LA CONTINGENCE DU SYMBOLE DE LA FOI

Le Symbole de la foi est-il contingent? Comment faut-il le comprendre? Cette contingence implique-t-elle vraiment la nécessité d’une nouvelle structuration? La question de la contingence du Symbole est légitime mais il ne faut jamais la radicaliser, comme l’a fait Karl Holl en disant: «Aujourd’hui, on pourrait facilement dire: il n’y a plus aucun théologien, comme aussi aucun croyant qui se trouve impliqué dans le Symbole des Apôtres» (2). Une réponse logique et convaincante ne serait jamais envisagée en dehors du développement historique. Car en fin de compte le Symbole de la foi est un récit diachronique.

1.1. Comment éclairer le changement ou la variabilité de l’origine historique du Symbole?

Le développement historique montre que le Symbole ne pourrait jamais être compris en dehors de sa formation diachronique. Jadis, presque chaque Eglise avait son propre Symbole de foi: Rome, Milan, Turin, Ravenne, Florence, les Eglises d’Afrique, d’Espagne,… Presque chaque synode particulier a formulé son Symbole, et ceci en rapport avec leurs conflits: à titre d’exemple: le Symbole de l’Eglise Syrienne Orientale (3). On trouve dans les cartables de plusieurs évêques de propres Symboles qu’on pourrait appeler: Symboles privés.

Un autre changement s’est présenté dans la forme du Symbole. Dans les premiers temps le Symbole avait une destinée liturgique. Il était en forme de questions-réponses dans le baptême. Ensuite, il fut la proclamation de la souve­raineté de la foi chrétienne. A la première époque patristique il prit une forme plus ou moins apologétique, en contrepoint avec les hérésies (4).

Comment expliquer cette pluralité? Ce fait de la présence de plusieurs Symboles dans les premiers temps de l’Eglise implique-t-il la présence de plusieurs croyances autrefois? Et, s’il s’agissait de plusieurs Symboles autrefois, il ne faut pas oublier que la substance de ces Symboles était semblable et les expressions tombaient parfois très identiques. La légitimation de cette pluralité a duré jusqu’au Concile de Trente 1563, et c’est seulement depuis 400 ans qu’on a mis fin à cette possibilité de développer le Symbole. Et c’est ainsi que pour l’Eglise des nouveaux temps une voie de changement ou bien d’une nouvelle structuration du Symbole est devenue difficile, voire impossible. La fin de cette phase post-tridentine s’est révélée au Concile de Vatican II (5).

1.2. La théologie du XIIIème siècle:

Au XIIlème siècle, avec la scientisation de la théologie, les articles de la foi ont pris d’autres indices. Le Symbole contenait déjà toutes les vérités salvifiques de la foi, mais il y manquait d’autres mystères: la providence divine, l’eucharistie et les autres sacrements,… Telle fut la position de Thomas d’Aquin (6). II fut le premier à dire en face de la théologie schismatique grecque que le règlement du Symbole de la foi est affaire du Pape et d’un Concile Général. Et il écrit qu’un renouveau du Symbole (nova editio) est nécessaire, pour éviter la pénétration des erreurs (7). Thomas exprime avec «nova editio», l’exigence d’une nouvelle reconstruction du Symbole, mais qui n’élimine pas l’ancienne foi et crée une nouvelle; plutôt elle l’étale mieux, lui donne un caractère d’universalité et lui permet la propagation.

1.3. Unité et validité du Symbole:

Le Symbole n’a pas son point de départ dans la communauté des Apôtres, il est le résultat d’une pluralité de tendances à travers plusieurs périodes de l’histoire. Alors s’agit-il de faire tomber à l’eau son unicité et sa validité?

J.-B. Semler distinguait déjà au XVIIlème siècle entre reconnaissance conservative de religion publique, dans laquelle le Symbole a toujours son droit d’existence; et entre religion privée dans laquelle la conscience n’a rien à faire avec un règlement. Il s’agit d’un compromis entre une liaison intèrieure et une liberté extérieure.

Pour la théologie luthérienne le Symbole garde toujours sa place d’honneur dans la mesure où il s’accorde avec la Bible.

Pour Harnack, l’essentiel du Symbole consiste dans la reconnaissance que dans le christianisme, les qualités d’une Eglise Sainte, d’une rémission des péchés, d’une vie éternelle sont un don; la possession de ces qualités est la promesse d’une foi en Dieu, le Tout-puissant créateur, en son Fils Jésus-Christ, et en l’Esprit-Saint; et qu’elles sont gagnées à travers Jésus-Christ le Seigneur. Ce contenu est évangélique(8).

Cette validité du Symbole mesurée à la Bible demeure jusqu’à présent le critère de plusieurs théologiens protestants: G. Glœge, W.V. Lœwenich et W. Pannenberg (9).

1.4. Comment faut-i1 comprendre le Symbole?

Ce Symbole explique une vérité qui tend à la vie et à la mort. Sa transmission et sa restitution dans le baptême signifie l’initiation au mystère du salut dans la foi chrétienne. C’est pour cela que les Pères l’ont appelé «le Symbole du Salut», «la porte de la vie», «la parole divine» et «le sacrement de la foi». Recevoir et reconnaître ce Symbole à travers la transmission dans le baptême veut dire: faire pacte avec Dieu. En même temps il est signe d’unité, de paix entre les Eglises. Ainsi fut compris jadis le Symbole, comme forme de foi permettant au croyant sa pratique et sa réalisation concrète.

Quelles difficultés présente le Symbole dans une nouvelle herméneutique? Comment comprendre le Symbole aujourd’hui dans une société pluraliste, dans un monde où la chrétienté n’est plus considérée comme milieu de religion, mais plutôt chacun se réfère à sa propre expérience de foi? Ne faut-il pas faire appel à un abrégé qui détermine le message du christianisme de nos jours?

Ce désir de nouvelles formulations de la foi était et est toujours le désir de plusieurs théologiens catholiques. Karl Rahner était le premier à parler au Concile Vatican II de l’exigence de «Neue Kurzformeln des Glaubens» (10). Citons aussi Yves Congar et Eduard Schillebeeckx qui ont proposé un pareil projet pour l’année de la foi 1967 (11). François Varillon, stimulé par les essais de Ch. Duquoc, Congar et Schillebeeckx, publie aussi dans la revue «Etudes» (octobre 1967): «un abrégé de la foi catholique». Bleistein aussi, animé par les tentatives de Rahner publie en 1971: «Eine Kurzformel des Glaubens fur Jügendliche». Le secrétariat des non­-chrétiens à Rome publia aussi en 1967: «L’espérance qui est en nous. Brève présentation de la foi catholique». Le synode des évêques belges publia aussi la même année: «Notre foi en Jésus-Christ» (12), et celui des évêques allemands en 1975: «Unsere Hoffnung. Ein Bekenntnis zum Glauben in dieser Zeit».

Tous ces essais sont dotés de réflexions personnelles dépendant du phénomène de la foi. Il ne sont pas des Symboles de la foi dans le sens déjà connu. Mais ce qui fut important c’est que ce pas est déjà fait, et que ces expressions furent comme urgentes. Rahner écrivait: «II est seulement là pour permettre à plusieurs de mieux faire» (13). En fin de compte, il reste certainement et seulement à attendre un «moment de grâce» dans la vie de l’Eglise qui favorisera la réussite d’une telle entreprise!

Une nouvelle formulation est donc difficile, parce qu’elle doit s’adresser par sa brièveté à la mémoire de l’homme. Elle doit toujours conduire l’homme distrait dans notre monde actuel à l’essentiel de la foi. N’est-i1 pas difficile alors pour un homme pareil de donner directement sa réponse dans cette liste d’objets de foi cités derrière deux mots «credo in … »? Ne faut-il pas qu’il soit complètement éveillé au mystère divin pour pouvoir faire cette déclaration?

Rappelons aussi, que cette nouvelle formulation est l’expression de la foi pour un monde plus que jamais sécularisé voire imprégné d’athéisme et de matérialisme.

Karl Lehmann définit la tâche de la nouvelle formulation de la foi par une recherche de l’homme dans son expérience existentielle à saisir ce que signifie les mots: «Dieu», «Jésus-Christ» et «Grâce»; et à ce que, à partir de ces mots, il arrive à une foi dynamique qui le mène à la plénitude de la foi. Une telle formule doit avoir ce souci: celui de porter à la conscience du chrétien d’aujourd’hui le fondement de sa foi» (15).

1.6. L’exigence d’une nouvelle formulation de la foi:

A la question sur la nécessité d’une nouvelle structuration du Symbole de la foi, nous adoptons la réponse de Karl Lehmann dans son article: «Bedarf das Glaubensbekenntnis einer Neufassung?».

«Le Credo a-t-il besoin d’une nouvelle formulation? La réponse à cette question: oui, dans la mesure où, à travers des formules plus concentrées et mieux centrées, il serait moins lourd, et dans la mesure où il serait suivi d’une explication orientée théologiquement et kérygmatiquement …

… Toute situation historique peut devenir un temps de la foi. Et ceci vaut pour les difficultés de notre Credo. Notre confession de foi cherche à être une foi libre, qui n’est pas liée à des phrases provenant de l’autorité ou de l’extérieur; Notre foi voudrait être une foi lumineuse qui cherche à se comprendre et non qui se perd dans des conceptions; Notre foi voudrait être divine, qui vit de Dieu et profondément forte en Dieu. Une foi qui reconnaît ses ténèbres, qui n’est jamais une vision parfaite, mais elle reconnaît son caractère temporaire.

Pierre exige une confession solide de chaque chrétien croyant et nous appelle à ne pas avoir peur ni à être troublés, (1P. 3,15): «sanctifiez dans vos cœurs le Seigneur, toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous», mais avec douceur et respect, en possession d’une bonne conscience. Pierre dit ceci juste avant de proclamer sa profession de foi (lP. 3,18) (16).

2. L’EXIGENCE D’UN ABREGE DE LA FOI:

2.1. La situation de la foi: lieu d’exigence d’un abrégé de la foi:

La foi des chrétiens est mise en question au nom de l’émancipation des temps modernes, au nom de l’autonomie, de la liberté de l’homme, au nom de la science, au nom de l’humanité souffrante et misérable… Plusieurs chrétiens se posent la question sur le sens de leur foi (17). Ces temps sont taxés de «crise». Peut-être ce mot a un écho négatif, mais soulignons aussi que ce mot signifie virage vers un meilleur.

Cette situation de la foi est caractérisée par plusieurs phénomènes:

2.1.1. La sécularisation comme procès d’émancipation:

Il s’agit dans cette sécularisation d’une conciliation entre religieux et profane, entre Eglise et Etat (18). L’homme dans notre société actuelle aborde l’homme, et ce n’est plus comme avant, il est en face de Dieu. II ne s’agit plus d’un ordre cosmique où tout, voire Dieu, tient sa place. L’homme ne sent plus que le monde lui est tout simplem1ent confié, il sent plutôt une responsabilité en face de lui. C’est un monde à faire et à manipuler (19).

Dans ce sentiment humain Dieu se volatilise, il est poussé à l’extérieur du do­maine de l’expérience humaine. Ainsi se pose le problème de la responsabilité de la foi en face de ce monde. Comment reconnaît-elle son identité?

2.1.2. Un pluralisme théologique et philosophique:

L’homme d’aujourd’hui est affronté à plusieurs «Weltanschauungen», (visions du monde) plusieurs lois et règles de vie, qui sont très différentes, parfois même elles se contredisent et elles se font concurrence.

Dans ce contexte pluraliste se trouve la foi chrétienne. Les réponses à la question sur le sens de la vie se partagent en trois catégories:

  1. les utopies sociales qui le déterminent dans le bonheur,
  2. l’humanisme qui le définit par la dignité,
  3. le christianisme qui le trouve dans le salut.

Face à ce pluralisme s’agit-i1 d’une foi multiforme?

2.1.3. Suprématie de la raison pratique:

Dans notre monde actuel, la praxis domine sur la théorie. L’engagement et la décision sont affaire de la pratique et de l’expérience et non plus une déduction et systématisation de la Révélation. L’homme s’interroge sur le sens et la fonction de ce en quoi il croit pour sa vie. La vérité est basée sur l’existence humaine concrète. La foi n’est plus un acte d’adhésion intellectuel à une donnée abstraite sur Dieu, le monde et l’homme. Elle cherche plutôt à s’exprimer dans une crédibilité qui cerne et marque tout l’homme, et non seulement sa raison.

Déjà à travers la sécularisation, le monde a perdu son inviolabilité, il est devenu lieu de changement par l’homme. Son centre de gravité repose sur la conduite plus que sur l’aveu verbal. L’orthopraxie devance l’orthodoxie. Cette sorte de pragmatisme qui mène à une unidimensionalité où seul un progrès quantitatif est annexé (plus de démocratie, plus de dialogue, plus de consommation, … ); et pour la foi, facteur de progrès qualitatif, il s’agit de la convertir, de la négocier, c’est-à-dire de lui donner une nouvelle impulsion dans son option.

Ainsi alors, dans cette société pluraliste, dans cette multiplicité de visions-du­-monde et d’échelles de valeurs naquit cette nécessité d’un acte personnel et décisif pour la foi. Le christianisme n’est plus un christianisme d’hérédité ou d’homogé­néité sociale; il est devenu, comme, au dire de Rahner, un «Wahlchristentum» (20). (Christianisme de choix)

La foi est contestée par le doute, et le christianisme n’est plus cette surface fermée où l’homme trouve refuge. La foi est une décision personnelle et libre ou bien elle n’est pas. Dans cette situation de la foi aujourd’hui ainsi envisagée se montre nécessaire la tâche d’une nouvelle formulation de la foi.

2.2. La nécessité d’un abrégé de la foi:

Karl Rahner était le premier à Vatican II à annoncer cette nécessité. Nous pouvons ainsi résumer les importantes raisons (21):

2.2.1. Les expressions classiques de la foi nécessitent un commentaire pour ne pas être comprises hors de leur cru. Ainsi l’introduisent-elles au centre de la foi chrétienne et permettent de l’aborder.

2.2.2. Plusieurs articles du Symbole sont le résultat des analyses dogmatiques de l’ancienne Eglise (par ex. les données trinitaires et christologiques). Ces formulations sont discernées par le théologien, mais pour le croyant elles sont toujours vagues et incomprises. La foi a besoin de netteté compréhensible qui se laisse traduire dans ses expressions.

2.2.3. Dans cette c1andestinité le salut est annoncé dans la personne historique de Jésus et dans des événements précis. Une telle décision divine n’a pas besoin d’un Symbole qui soit une réponse humaine ou une expérience de religiosité. Pour garder toujours sa force et sa dynamique, la foi a besoin de se renouveler incessamment en contact avec d’autres idéologies, mais où sa vérité est toujours provoquée.

2.2.4. Un abrégé de la foi n’a pas besoin de devenir un sécateur, avec lequel on réduit le christianisme à quelques Abstrakta décharnés. Il oriente seulement sur l’essentiel de la foi. L’auditeur du message évangélique doit être amené à une seule confrontation avec le Dieu vivant.

2.2.5. Dans le temps où encore christianisme signifiait religion, on avait pu procurer le message chrétien dans une forme doctrinaire. Aujourd’hui où la foi est devenue acte personnel du chrétien lui-même actif, il faut que la réceptivité du fond de la foi soit fortifiée. Ce nouveau court abrégé pourrait donner le branle pour un persistant exercice de la foi.

2.2.6. Le Concile Vatican II exige la prise en considération de «l’hiérarchie des vérités». Pour un dialogue œcuménique concret qui ne consiste pas à approfondir une foi commune, mais à amener les chrétiens ensemble dans leur quotidien; un abrégé favorise l’unité.

Ce qui sera dit dans un abrégé de la foi doit être apte à se réaliser dans l’existence humaine et dans son expérience de la grâce. Le chrétien d’aujourd’hui comprend l’abrégé de la foi comme une enchère où il y retrouve sa propre expérience de foi; et les expressions comme un fil qui le conduit à la prière et à la louange. Cet abrégé a le devoir de réunir et d’approuver le tout de la foi chrétienne, en vue d’une fonction qui dépasse le dogmatisme et la foi littérale.

2.3. La possibilité théologique d’un abrégé de la foi:

Dans un abrégé de la foi, il ne s’agit pas d’enfermer d’importantes vérités dans un texte, il s’agit plutôt d’une loi de proportionnalité. Certainement abrégé signifie simplification ou bien minimisation, mais ces risques ne contredisent pas la nécessité d’une auto-limitation située où plusieurs influences et hypothèses peuvent devenir des éléments accablants.

2.3.1. Abrégé: expression de l’identité chrétienne:

Dans un monde sécu1arisé se fraye une crise d’identité. D’où la question: qu’est-ce qui distingue le message chrétien d’un humanisme sans Christ? Le christianisme se trouve indépendant et il se développe seul. Ne faut-i1 pas que les chrétiens reconnaissent leur foi en Jésus et en témoignent dans un milieu de cons­cience, et cela dans une forme nouvelle de leur foi?

2.3.2. Abrégé: aveu en paroles et en acte:

Dans ces temps-là, une sensibilisation sur l’unité entre vérité et acte est à considérer. Un témoignage de la seule part verbale de la foi risque de s’illusionner ou de s’idéologiser. La foi chrétienne n’est pas une initiation clarifiante à une théorie, mais un renouveau existentiel qui veut changer l’homme dans toute sa personne et dans son milieu. II n’est plus question d’une foi qui soit information sur la chrétienté, mais il faut que vérité, parole et orthodoxie soient au service de ethos, acte et orthopraxie.

Un engagement chrétien exige une théorie concentrée, et cette dernière manifeste sa c1arté à travers un témoignage vécu.

2.3.3. Abrégé: aide catéchétique pour une consommation de foi majeure:

Un changement dans la compréhensibilité du monde et de l’homme doit conduire c1airement à un changement dans la proclamation et dans son langage. Le contenu de la proclamation avec les mots: salut – grâce – rédemption… ne se comprend plus très c1airement dans sa nouvelle interprétation. Ces mots tiennent la place d’une écriture chiffrée pour plusieurs chrétiens, de sorte qu’ils se retrouvent des «catéchumènes».

Plusieurs essais de formation théologique basés sur des études historiques ou sur les sciences humaines sont apparus. Et en l’occurrence, un abrégé concentrant l’essen­tiel de la foi est à souhaiter.

Voici une petite liste de quelques ouvrages, mais qui n’est point du tout exhaustive:

J. Ratzinger, Einführung in das Christentum. (Introduction à la foi)

H. Küng, Christsein. (Etre Chrétien)

W. Sandfuchs (Hrsg), lch glaube. (Je crois)

W. Kasper, Jesus der Christ. (Jésus, le Christ)

E. Schillebeeckx, Jesus. (Jésus).        .

J. Feiner / L. Fischer, Neues Glaubensbuch. (Nouveau livre de la foi)

Rahner, Grundkurs des Glaubens (22).      (Cours fondamental de la foi)

3. QUELQUES EXEMPLES-MODELES DE L’HISTOIRE DE LA FO!.

Nous sommes habitués à voir un credo homogène de l’Eglise qui exclut tout autre aveu. Pour cela l’exigence d’un nouveau modèle semble être plus plausible à travers les démolitions de l’histoire. Intéressants se révèlent-ils l’Ancien et le Nouveau Testament et quelques particularités de l’époque tardive de l’histoire de l’Eglise.

3.1. L’Ancien Testament:

Dans l’Ancien Testament abondent ces tournures résumées qui transcrivent l’histoire d’Israël (23). II s’agit de l’expérience de ce que veut dire Yahve et comment aide-t-il. L’expression: «Yahve qui a amené Israël de la terre d’Egypte» (24) est devenue un expression de foi solide tissée dans le comportement social (25) et dans les événements historiques tardifs aussi (26). G. von Rad en parle dans son exégèse «das kleine geschichtliche Credo» (le petit Credo historique) qui se trouve dans Dt6, 20-25 et Dt26,49 (27). Dans cet ordre d’idées il faut se méfier d’une compréhension littérale de cet «Ur-Bekenntnis». Une autre formulation vétéro-testamentaire dit: «Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple» (28). Dans cette équation on saisit le sérieux théologique d’un rapport entre les deux partenaires d’une alliance. Pour cela elle est appelée «formulation d’alliance» (Bundesformel) sans avoir besoin de faire appel à des details exégétiques (29).

L’Ancien Testament employait des brèves formulations dont le «Sitz-im-Leben» est de différente nature. Même-là où dominent plusieurs doutes sur ces traditions (Am9,7) et là où cet ancien Symbole de foi est mis de côté (Jer23,7; 16,4), on peut encore formuler dans le langage de cette reconnaissance des abrégés (30).

Le Credo israélien ne fut jamais achevé dans sa forme, iI fut plutôt toujours ouvert à I’action salvifique de Dieu. Il grandit dans le culte et il conserva sa vitalité à travers les fêtes. Le «Sitz-im-Leben» de ces formulations était dans le culte communautaire et non dans la piété privée. Les formulations de foi de l’Ancien Testament sont des formules dynamiques ayant eu lieu dans le rapport entre Dieu et son peuple, dans ce côte-à-côte de Dieu et du peuple.

3.2. Le Nouveau Testament:

Le Nouveau Testament montre des formulations de foi se référant au salut apparu ­en Jésus-Christ et aussi dans l’alliance nouvelle qualifiée eschatologiquement. Les plus brèves expressions sont: «Jésus est le Messie» (Christos), «Jésus est le Sei­gneur» (Kyrios) qui essayent de condenser le spécifique du christianisme. C’est dans ces deux formules que se trouve réalisée la conversion au Christ. Ces formules fon­damentales se sont déployées après par les expressions de la Mort-Résurrection (31).

Le développement suivant de ces formules s’est fait sous l’inf1uence de plusieurs facteurs: en égard avec la culture grecque (32), en défense contre des pensées erronnées (33), et en relation avec les différentes tournures de la catéchèse, de la prédication et de la proclamation. La plupart de ces formulations néo-testamentaires sont plus anciennes que les écrits du Nouveau Testament (34).

Voici quelques exemples de ces formulations de la foi:

3.2.1. Titres de souveraineté:

«Que dites-vous qui je suis?» (Mc 8,29). La réponse à cette question montre les réponses correspondantes: Les juifs qui, bien qu’ils ont déjà vu en lui un révolutionnaire roi des juifs (Mc 15,26), ou bien Jean le Baptiste, Elie le prophète ou bien n’importe quel prophète (Mc 8,28), ces juifs l’appellent aussi: Prophète, Rabbi, Maître, Messie, Fils de David, et Fils de l’homme. Les grecs l’ont appelé: Verbe de Dieu, Fils de Dieu, Sauveur, Seigneur. Aussi d’autres titres paraissent dans l’Evan­gile tels: Fils d’Abraham, Roi d’Israël et Emmanuel. Toutes ces appellations étaient en rapport avec la personne de Jésus. (Une christologie implicite). Seuls ces pédicats de souveraineté étaient acceptés.

3.2.2. Homologies:

«En effet, si tes lèvres confessent que Jésus est le Seigneur et si ton cœur croit que Dieu l’a réssuscité des morts, tu seras sauvé»! (Rom 10,9). L’homologie est un appel au Seigneur dans l’acclamation liturgique. Elle a un caractère culturel (35). Bien qu’elle fut une formule stéréotypée, elle était nécessaire pour traduire la foi dans les célébrations et les liturgies (baptême). Dans d’autres contextes telle la défense en face des hérétiques (36), elle s’est développée, aussi dans la persécution et dans la diaspora.

3.2.3. Pistis-formulations:

W. Kramer definit ainsi la Pistis-formule: «C’est une récapitulation de l’œuvre divine concentrée sur les événements du passé: la Mort et la Résurrection. Elle est le texte fondamental de la proclamation qui doit mener au kérygme» (37).

La Pistis-formule n’est pas un appel direct au Seigneur, elle est la formulation de l’acte du salut (38). Elle attire l’attention, ou bien sur la mort de Jésus (39), ou bien sur sa résurrection (40), au bien sur les deux ensemble (41).

3.2.4. Formulations annonciatives ou prédicatives:

Deichgräber distingue cette sorte de formulations qu’il appelle «Verkündigungs­formeln» (42). «Ce sont des formulations brèves contenant des éléments fondamen­taux de la proclamation initiale, centrées sur la mort ou résurrection ou venue du Seigneur» (43). Pour lui, les Pistis-formules se trouvent dans la tradition orale; les Verkündigungsformeln sont un reflet condensé d’une prédication et elles sont comprises comme nœud de communication du Kérygme.

De toute façon, il faut avoir toujours conscience du centre de l’Evangile qui n’est pas tout d’abord une formule, mais plutôt, beaucoup plus «un sermon vivant et en même temps un aveu de foi» (44). Les formulations néo-testamentaires ne sont pas une pure addition d’articles de foi à la manière d’un catéchisme. Elles sont le développement d’une tradition historique. Elles sont une condensation de réflexions d’une tradition de foi. Elles sont seulement comprises dans un contexte vaste. Et ainsi se trouvent-elles variées et capables de se déployer. Elles ne sont pas des segments échancrés d’une systématique théologique. Elles sont un «panorama général» dans le sens d’une réunion et d’une concentration sur un centre qui donne une explication de l’homme et du monde.

3.3. Le Moyen-Age et l’époque moderne:

Dans ces temps il y a eu certes plusieurs commentaires de la foi officielle de l’Eglise, mais à peine des abrégés de la foi. En 1520, Luther fait sortir «eyn Kurcz form des Glaubens», où il présente une explication des trois articles de l’Apostoli­cum (45). II a signalé aussi dans le même contexte la nécessité d’un abrégé pour les dix commandements et pour la prière dominicale.

Un changement de ces formulations est perceptible aussi chez certains philoso­phes et théologiens: les Pensées de Pascal, le témoignage de foi de Spener et de Oetingers, N.L. Graf von Zinzendorf et B. Sperling. Signalons aussi J-J. Rousseau dans son Emile (la foi du Vicaire Savoyard), J. Proudhon (Confiteor), Leibniz (Confessio philosophi), F. Bacon (Confession of faith), …

Si l’on voudrait poursuivre l’histoire de cette problématique d’un abrégé de la foi, il faut aussi s’interroger sur la réussite de pareilles entreprises dans les nouveaux temps du protestantisme. Ces essais datent depuis plus de deux décennies:

Schnath, Fantasie für Gott: (Imaginer Dieu).

H. Knipping, Neue Bekenntnisse in kritischer Sicht (Nouvelles Confessions critiques)

J. Zink, Was Christen glauben (Ce que croient les Chrétiens)

D. Sölle, politisches Nachtgebet in köln. (Prière de nuit politique)

H. Keller, Bekenntnisbildung in der Gegenwart. (Former sa foi aujourd’hui)

Ruhbach, Glaubensbekenntnisse für unsere Zeit. (Symboles de foi pour notre temps)

H. Schröer, Unser Glaubensbekenntnis heute. (Notre Symbole de foi aujourd’hui)

Très important se révèle aussi le «Credo du peuple de Dieu» du Pape Paul VI (30.6.1968) (46). II exprime la nécessité d’un accomplissement du Credo. C’est un mélange biblique, patristique, ecclésial ancien, scolastico-théologique et spirituel.

Ces formulations se trouvent parfois blotties dans des écrits théologiques et spirituels (47), dans des prières (48) et dans la littérature même (49).

K. Barth (50), Hans-Urs von Balthasar (51), H. Schleier (52), F. Kerstiens (53) et Leo Karrer (54) ont entrepris aussi cette tâche.

Encore très influentes et importantes sont les tentatives suivantes:

F. Mussner, Eine neutestamentliche Kurzformel für das Christentum. (Un abrégé néotestamentaire de la foi)

W. Nastainczyk, Das alte Credo in der Glaubensunterweisung heute. (L’ancien Credo dans l’enseignement d’aujourd’hui)

W. Kasper, Zum Problem der Rechtgläubigkeit in der Kirche von Morgen. (Problème de la foi crédibilité de l’Eglise de demain)

H. Küng, Was ist die christliche Botschaft? (C’est quoi le message chrétien ?)

G. Scherer, Versuch eines Glaubensbekenntnis. (Essai d’un symbole de foi)

P. Schoonenberg, Ein Gott der Menschen. (Un Dieu des hommes)

Schneider, Kurzformeln des Glaubens. (Abrégé de la foi)

Kröger, Jugendgemässe Kurzformeln des Glaubens. (Abrégé de la foi pour jeunes)

Semmelroth, Kurzformeln des Glaubens und ihr Sitz im Leben. (Le milieu de vie de l’abrégé de la foi)

Exeler, Kurzformeln: Konzentration oder Leitidee? (Abrégé : une Concentration ou une idée directrice?)

Beinert, Urkerygma und Konzentration des Glaubens. (Le kérygme initial et Concentration de la foi)

Baumeister, Das alte Credo und die neuen Kurzformeln des Glaubens. (L’ancien Credo et le nouvel abrégé de la foi)

Ph. Kaiser, Die Glaubensbekenntnisse der Kirche in Geschichte und Gegenwart. (Les Symboles de foi de l’Eglise dans le passé et dans le présent)

A. van Ruler, Was glauben die Christen? (Que croient les Chrétiens?)

U. Eigenmann, Kurzformeln des christIichen Glaubens. Diskussion und Theorien. (Abrégé de foi: discussion et théories)

J. Ratzinger, Noch einmal, Kurzformeln des Glaubens. (Encore une fois: Abrégé de la foi)

Feifel, Altersspezifische Funktionen einer Kurzformel des Glaubens. (Fonctions spécifiques d’un abrégé de la foi)

Schmidt, Glauben und Bekennen in einer areligiösen Welt. (Croire dans un monde a-religieux)

F. Walz, Den Glauben bekennen oder Bekenntnisse glauben. (Confesser sa foi ou croire en sa confession)

4. UN ESSAI CONCRET D’UN ABREGE DE LA FOI.

4.1. Les brouillons de Karl Rahner:

Nous laissons ces esquisses rahnériennes sans commentaire. Nous nous con­tentons de les nommer, à part le 4ème essai que nous citons tout entier. Ces tentatives de Rahner sont, à notre avis et malgré leurs difficultés de diction et de compréhensibilité, les plus adéquates.

1er brouillon     : Kurzer Inbegriff des christlichen Glaubens für

  Ungläubige, GuL 38 (1965).

  Schriften zur Theologie VIII.

2ème brouillon  : Kurzfomeln des christlichen Glaubens, Concilium 3 (1967).

  Schriften zur Theologie VIII, p. 153-154.

3ème brouillon  : Reflexionen zur Problematik einer kurzformel des Glaubens, (1970),   

  S.zur Th. IX, p.249-256.

4ème brouillon: Kurzformeln des Glaubens, in: Grundkurs des, Glaubens 1967, p.430-440.

Une formule brève théologique

Le terme incernable de la transcendance humaine, qui se trouve accompli existentiellement et originairement – pas seulement théoriquement ou d’une manière seulement conceptuelle-, se nomme Dieu et se communique lui-même existentiel1e­ment et historiquement à l’homme comme son propre accomplissement, dans un amour qui pardonne. Le point culminant eschatologique de l’autocommunication historique de Dieu, point dans lequel cette autocommunication devient manifeste comme irréversiblement victorieuse, se nomme Jésus-Christ.

Une formule brève anthropologique

L’homme ne vient réellement à soi dans un authentique auto-accomplissement que s’il se risque radicalement à sortir de lui vers l’autre. Fait-il cela, il saisit (non thématiquement ou explicitement) ce que l’on veut dire par Dieu en tant qu’horizon, garant et radicalité d’un tel amour, Dieu qui fait de lui-même en son autocommunica­tion (existentiellement et historiquement) le champ de possibilité d’un tel amour. Cet amour est compris comme intime et comme social, et, dans l’unité radicale de ces deux moments, est fondement et essence de l’Eglise.

Une formule brève futurologique

Le christianisme est le maintien à l’ouvert de la question sur l’avenir absolu qui veut se donner lui-même comme tel en autocommunication, a rendu ferme de façon eschatologiquement irréversible sa volonté en Jésus-Christ comme Dieu.

4.2. L’ébauche de Varillon:

Varillon a ainsi planifié son texte: Dieu devenu homme se montre comme cœur de la foi chrétienne, et à cela appartient aussi la divinisation de l’homme dans la grâce. Le Christ nous révèle l’homme et Dieu. En Jésus Dieu se révèle comme puissance d’amour. Dieu est celui dont l’essence est formée d’un mystère d’amour inconcevable, qui se traduit seulement dans la pauvreté, le libre don et l’humilité du Christ.

Dans ce contexte s’annoncent la mission mondiale du chrétien et la souffrance de la mort. Le péché est la perte de l’amour, qui est en même temps force de pardon. La prière dans ses différentes formes est l’expression du OUI de la foi. Les dogmes conservent la vérité d’un rapport de l’homme à Dieu, de sorte que tout ce qui est dogmatique est en fonction d’une relation de foi vivante. L’Eglise est le signe agissant du Christ Réssuscité, qui est présent en elle et la divinise. Cette somme de Varillon se termine avec une esquisse sur l’Eucharistie, qui est le fondement de tous les sacrements et qui contient toute la substance de la foi.

Dans cette ébauche de Varillon se rencontrent de différentes manières des termes scolastiques, des paroles de l’Ecriture et des mots modernes. Les concepts employés par lui restent des abstraites béquilles, ils laissent manquer le champ d’expérience.

D’autres formulations françaises sont celles de Paul-André Lessort, Claude Bruaire et Michel de Virville qui furent avancées à la Semaine des Intellectuels Catholiques (6-13 mars 1968) (55).

4.3. Le croquis du Synode d’Oberlin 1959 (56):

Ce Symbole fut accepté dans les Eglises évangéliques et sa traduction a contribué à la parution de plusieurs nouvelles formulations.

Les critères de jugement sont autres que ceux du théologien catholique. Dans cette oeuvre recueillie, la pluralité et la différenciation des nouvelles formulations est remarquable: des pièces formulées très liturgiquement se trouvent à côté des synthèses théologiques très réfléchies; des formulations bibliques qui sont plus des prières côtoient des programmes récrutés; des expressions doxologiques sont en face d’un langage quotidien négligé et des consignes de vie éthiques.

«Nous croyons en Dieu, l’Esprit Eternel, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ et notre Père, et nous affirmons ses œuvres:

Il a appelé le monde à l’existence.

Il a créé l’homme à son image et lui a montré le chemin de la vie.

Par son amour, il cherche à libérer tous les hommes de leurs péchés et de leurs égarements.

Il dirige les hommes selon sa Volonté qu’il avait annoncée à travers les prophètes et les apôtres.

II est venu à nous en Jésus-Christ, l’homme de Nazareth, le Mort-Réssuscité. Il a pris notre condition humaine, mais il a vaincu le péché et la mort.

Il nous a envoyé son Esprit-Saint qui a créé son Eglise et ne cesse de la renouveler.

Il rassemble tous les peuples croyants par son alliance.

II nous appelle à le suivre et à sentir cette joie d’être à sa suite.

Il fait de nous ses collaborateurs au service de l’humanité, et qu’à travers nous son Evangile soit proclamé dans le monde.

II nous laisse partager son baptême et sa Cène.

II promet à ceux qui croient en Lui des grâces abondantes.

II donne courage à ceux qui luttent pour la justice et la paix.

II nous laisse sous sa Présence qui n’a pas de fin.

A Lui soient rendues Gloire et Reconnaissance. Amen».

4.4. La maquette de P. Schoonenberg:

«Je crois en Dieu, auquel je peux dire Père, dans l’Esprit de Jésus; Il est le Créateur des Origines et de l’Avenir; et en son Fils bien-aimé Jésus, qui est venu de Dieu et qui vit dans la plénitude de Dieu.

II agit pour notre salut, Il a brisé les bornes de l’existence humaine par ses paroles de vie éternelle. Pour cela il fut persécuté, et pour notre libération il fut crucifié, supportant les douleurs et la mort. Mais Dieu l’a ressuscité pour vivre en nous.

Je crois en l’Esprit de Dieu et de Jésus qui parle dans les Prophètes et mène à la vérité.

Je crois au Royaume de Dieu maintenant et à jamais, et en l’Eglise qui sert ce Royaume et attend son accomplissement.

Je crois à la libération du péché et en la force de l’amour; et en la nouvelle création où règne la Justice, et où Dieu devient le Tout en Tout. Amen».

4.5. Le Symbole de Exeler (57):

«Je crois en Dieu le plus puissant dans le monde; en Dieu qui dit «Oui» au monde, en Dieu qui sait faire toujours un nouveau commencement, là où tout semble détruit.

Je crois en Dieu qui se penche vers l’homme, qui a choisi un peuple et s’est penché vers lui, il l’a libéré et conclut avec lui son Alliance. Il lui donne la Sagesse de la vie et le conduit sur le chemin de la Promesse. Ainsi est-Il toujours en mouvement et n’est jamais passif.

Bien que ce peuple trahit Dieu, II resta fidèle, et leur envoya ses Prophètes, et les mena toujours plus profondément dans son Amour.

Je crois en Dieu qui remplit Jésus de sa Force, qui l’enleva de la Mort et lui donna la force contre le mal; II fit de lui le commencement d’une nouvelle création, d’un nouveau peuple. Et à travers la force vivante de son esprit II reste actif dans le monde. Au sein d’un monde noyé dans l’inhumain et dans l’égoïsme, Jésus témoigne de la force de l’Amour. Malgré l’infidélité et la chute de ceux qui devraient transmettre son message, II choisit toujours des hommes qui témoignent de la force du Pardon.

Je crois en Dieu qui mène jusqu’au bout le Bien déjà commencé. Amen!».

4.6. Le projet du Cardinal G. Bevilacqua (58):

«Je crois en Dieu et je crois en l’homme, image de Dieu.

Je crois en l’homme, en sa capacité de penser, en sa puissance d’agir et de travailler.

Je crois à la Vie comme Joie et Persévérance, et non comme don d’un jour que la mort domine, mais comme don éternel.

Je crois à la Vie, comme possibilité non limitée d’élévation et de progression.

Je crois à la Joie: la joie d’une saison, d’un milieu de repos, d’un lever de soleil, d’un coucher de soleil, d’un rayon de lumière qui jaillit de la raison, des sens, du cœur.

Je crois à la possibilité d’une grande famille humaine, comme Jésus la souhaite: échange de tous les biens de l’Esprit, et entraide de toutes les mains dans la Paix.

Je crois en moi-même, aux dons que Dieu a mis en moi, et qui me permettent de faire l’expérience de la Joie la plus grande: celle de donner et de me donner moi­-même».

CONCLUSION

En résumé, il s’agit de plusieurs variations liturgiques, catéchétiques et pastorales de courts abrégés de la foi. lIs varient, rédigent, raccourcissent ou paraphrasent le Symbole des apôtres. IIs sont ou bien de forme tertiaire (foi – espérance – charité), ou bien ils s’adressent uniquement à Dieu, au Christ et à l’Esprit-Saint. Quelques-uns décrivent la foi subjective individuelle ou communau­taire, et ils sont plus sociologiques et futurologiques. D’autres procèdent de la vie modeme de l’homme et essaient de le réveiller à l’amour et de le libérer du péché. Encore d’autres sont des articulations de programmes qui, motivés par la foi, sont engagés à promouvoir la condition humaine dans le monde.

Ces formulations d’un nouveau langage de la foi sont devenues comme des ressources que nous ne pouvons plus négliger dans notre liturgie, dans notre pastorale, dans nos cours de théologie et dans notre catéchèse.

II est aussi impossible de pouvoir se limiter à une seule formulation. Cela résiste à la dynamique et au concret de la foi, dont la force réside dans la personnelle relation à Dieu que Jésus appelle Père.

II n’y a pas de formulations fermées, ou indépassables; elles sont par définition existantes dans la dynamique de la foi elle-même. Une formulation «absolue» serait une contradiction en elle-même. Car ses deux composantes: le centre de la foi et son articulation, se défendent contre la saisie humaine qui veut l’instituer comme valable une fois pour toutes.

Les abrégés de la foi sont non seulement des aides pour croire, mais aussi des témoignages d’un processus de foi vivante, et une recherche d’une nouvelle forme qui peut exprimer ce noyau ancien. Ce sont des ponts qui ouvrent les chemins des hommes à la foi, ou bien des jalons qui les conduisent vers cette foi.

La première source ou le lieu originel d’un abrégé de la foi est la foi elle-même en tant que vivante, à travers les expériences et les événements. Un abrégé de la foi n’est pas la foi elle-même; mais l’expression qui, de la foi en Jésus toujours renouvelée, apporte l’espérance à la vie.

NOTES

  1. Jean Delumeau, Le Christianisme va-t-il mourir? Paris, 1980, couverture du livre.
  2. K. HolI, Zur Auslegung des 2. Artikels des sogenannten apostolischen Glaubensbekenntnisses, Tiibingen 1928, p.121; cite par Lehmann, Gegenwart des Glaubens, Mainz 1974, p.109-110.
  3. R.H. Connobly, The Early Syriac Creeds, in ZNW7 (1906), pp. 202­-223.
  4. Cf. Ambroise, concile de Nicée-Constantinople, 1er Concile de Latran 649.
  5. Cf. G. Caprile, il Concilio Vaticano II, 1/2 (1961-1962), Rome 1966, p.229; cité par Lehmann, art. Cit. P. 117.
  6. S.Th.II-II, q.1,a.7-10. Cf. aussi M.D.Chenu, la théologie comme science au XlIIème siècle, Paris 1957, p.67-92; J.M. Parent, la notion du dogme au XlIIème siècle, Paris 1932, p.141-163.
  7. S.Th.lI,q.l,a.l0.
  8. Harnack, Das Apostolicum-Streit des Jahres 1892 und seine Bedeutung fur die Gegenwart, Marburg 1950.
  9. Cf. G. Gloege, Bekenntnis, in RGG l,p.997; Cf. W. von Loewenich, Das Glaubensbekenntnis. Aspekte fur ein neues Verständnis, Hrsg. G. Rein, Stuttgart 1967, p.9 ss; Cf. W. Pannenberg, Grundzüge der Christologie, Güttersloh 1966, p. 150.
  10. Le mot «Kurzformel» que K. Rahner rapporte, a une petite et intéres­sante histoire. Martin Luther a déjà employé ce mot en 1520: Eine Kurze form der Zehn’Gebote, Eine Kurze Form des Vaterunsers, cf. WA 7, 204-229. «Eyn Kurcz form des Glaubens», une explication des trois articles de l’Apostolicum, cf. WA 10/11,388-395.

K. Rahner Inbegriff des christlichen Glaubens fur Ungläubige, in Gul 38 (1965), p.374-379.

K. Rahner, Kurzformeln des christlichen Glaubens, in Concilium 3 (1967), p. 202-207 – ou bien S. zur Th. VIII, Einsiedeln 1967, p.153-164.

K. Rahner, Kurzformeln des Glaubens, in Grundkurs des Glaubens, Wien-Basel 1967, p. 430-440.

  1. Cf. Inf. Cath. Int. N. 290, 15.10.1967, p.16-19.
  2. Cf. Nouvelle Revue Théologique 100 (1968), p.3-22.
  3. K.Rahner, Kurzformeln des christlichen Glaubens, Schriften zur Theolo­gie VIII, Einsiedeln 1967, p.159.
  4. Cf. Augustin, Sermo 213, IP138, 1060.
  5. Karl Lehmann, Glaubensbekenntnis und Kurzformeln des Glaubens, Ge­genwart des Glaubens, Mains 1974, p. 132.
  6. Ibid, p.141-142. Pour une autre bibliographie cf.:

A. Peters, Bekenntnis heute, in: A. Kimme, A. Peters, W. Saft, Die Aktua­litat des Bekenntnisses, Fuldaer Hefte 21, Hamburg 1971, p. 75-142.

  1. F. Refoulé, Parole de Dieu et langage des hommes, in: Ch. Duquoc, l’avenir de la théologie, 1970, p.28.
  2. J.B. Metz, Unsere Hoffnung. Ein Bekenntnis zum Glauben in dieser Zeit, in: Emeis, Sauermost, (Hrsg), Synode: Ende oder Anfang, Düssel­dorf 1976, p.9.
  3. W. Kasper, Glaube und Geschichte, Mainz 1970, p.121.
  4. K. Rahner, Die Forderung nach einer Kurzformel des christlichen Glau­bens, in: Concilium 3 (1967), p. 202.
  5. Cf. à ce propos les articles de Rahner déjà cités à la note 10.
  6. Ces titres sont cités par Leo Karrer dans son livre: Der Glaube in Kurzformeln, p.19, note 42.
  7. Cf. Ps 114,lss.
  8. Cf. Ex 20,2; Dt 5,6; Ps 81,11.
  9. Cf. Dt 15,12; 27,17; Lev 19,33; 25,42.
  10. Cf. 1 Rois 12,28; Ex 32,4.
  11. G. von Rad, Das formgeschichtliche problem des Hexateuch, München 1958, p.9-86.
  12. Cf. Dt 26,17; Jer 24,7; Ez 11,20; Ex.19,5; 2Sam 7,24.
  13. R. Smend, Die Bundesformel, in: Th St 68 (1963).
  14. Cf. Mich 2,12ss.
  15. Cf. Rom 10,9; 1 Cor 15,3-5.
  16. Cf. 1 Tim 2,5; 1 Thess 1,9.
  17. Cf. 1Jn 4,2.
  18. Cf. Fuchs, das hermeneutische Problem, Dinkler(Hrsg), Zeit und Geschi­chte, Tübingen 1964, p. 357. Hünermann, art und Wesen theologischen Denkens, p.90.
  19. Cf. Rom 10,9; Phil 2,11; Hebr  4,14.
  20. Cf. lCor 8,6; une explication de la puissance d’un seul Dieu, d’un seul créateur, d’un seul Seigneur; cf. Aussi 1Jn 4,2.
  21. W. Kramer, Christos Kyrios Gottessohn, Zürich 1963, p.17.
  22. Cf. Rom 10,9; 1Jn 4,15; 5,5; Mt 16,16; Lc 4,41; 22,67; Mc 1,11; 1Pierre 3,18-22.
  23. Cf. Rom 5,8; 14,15; lCor 8,11.
  24. Cf. Rom 8,11; 1Cor6,14; Gal 1,1.
  25. Cf. 2Cor 5,15; 13,4.
  26. Cf. Rom 1,3ss; 3,24ss; lCor 15,3-5.
  27. Deichgräber, Gotteshymnus und Christushymnus in der früheren Christenheit, Göttingen 1967, p. 108.
  28. Karl Lehmann, Kurzformeln des christlichen Glaubens, (Hrsg. Kloster­mann), Freiburg 1970, p.60.
  29. Luther, Eyn Kurzform des Glaubens, in: D.M. Luthers Werke VII (Wei-mar 1897), p. 204-229.
  30. Cf. Osservatore Romano, 1/2,07.1968 – A.A.S. 60 (1968), p. 433-445.
  31. Lehmann, Kurzformeln des Glaubens, p.286ss.
  32. Cf. R. Bleistein I, Kurzformeln des Glaubens I, Würzburg 1971, p.125-131.0osterhuis, Ganz nah ist dein wort. Teilhard de Chadrin, le chant du monde.
  33. Cf. Kaschnitz, Orte, p. 139; Weimar, Wortwechsel, p. 25; W. Willms, der geerdete Himmel; S.Walter, Wurenloser Chronikspiel, p.90.
  34. Letzte Zeugnisse, Zürich 1969, p.7-9.
  35. Merkmale des Christlichen, in: Verbum Caro, p. 172-194.
  36. Das bleibende Katholische. Ein Versuch über ein Prinzip des Katholis­chen, Münster 1970. Catholica 24 (1970) Heft 1.
  37. Die Hoffnungsstruktur des Glaubens, Mainz 1969.
  38. Jesus Christus: Grund unseres Handelns, in: Katechetische Blätter 98 (1973), p. 628-631.
  39. Cf. Qui est Jésus-Christ? Recherches et débats 62, Paris 1968, p. 245­-247.
  40. Texte cité par Lehmann, p. 187-188.
  41. P. Schoonenberg, Ein Gott der Menschen, Einsiedeln 1969, p.204-205, cité par Lehmann, Kurzformeln des Glaubens, p.284.
  42. Cf. Leo Karrer, Der Glaube in Kurzformeln, p.288
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