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Marie fille des Ecritures

Dans chaque femme de la Bible, il y a un peu de Marie de Nazareth. Depuis Eve jusqu’à la femme enceinte de l’Apocalypse, Marie Mère de Jésus est la synthèse et la quintessence de toutes les femmes bibliques, de celles qui ont contribué au projet salvifique de Dieu. Par ailleurs, Marie est le prototype de l’Eglise naissante ainsi que de toutes les femmes de tous les siècles. Elle est également la figure de l’humanité, celle qui accueille en toute liberté et en toute humilité la Bonne Nouvelle pour la donner à son tour en toute générosité à ses enfants.

Marie la nouvelle Eve

Eve[1] la vivante est la mère des vivants, nous dit le livre de la Genèse. On peut dire qu’elle est en quelque sorte l’aïeule de tous les hommes, présente à tous les carrefours des routes humaines. Elle est à la fois la sœur, la fille, la femme porteuse de la vie.

Belle, frêle et fragile, sortie toute fraîche de la main du Créateur, Eve est présente en chaque femme du genre humain. En revanche, par Marie la nouvelle Eve chérie de Dieu, la Vie Divine est donnée à toute l’humanité. Depuis Marie, chaque femme est appelée désormais à renouveler la vieille tunique de l’ancienne Eve pour continuer à être la femme vivante, qui prend part au don même du Créateur prodiguant la vie intarissable.

La particularité de Marie de Nazareth est qu’elle est issue de la pâte humaine, et n’a jamais cessé de l’être. Elle est à la fois la sœur des hommes, leur mère, leur accompagnatrice et leur confidente de toujours. Elle est la Mère de tous les vivants par excellence, parce qu’elle leur donne la Vie divine en leur donnant Jésus, le Fils de Dieu. Depuis que, sur la croix, son Fils l’a chargée d’être la Mère de Jean le Bien-aimé[2], elle est devenue ainsi la Femme, la Mère de toute l’humanité, la nouvelle Eve. Depuis lors, la maternité spirituelle et divine est devenue la vocation et la mission de Marie et de toutes les Marie à travers tous les siècles.

 

Marie, quintessence des femmes Bibliques

Marie la nouvelle Eve, est pour ainsi dire présente dans toutes les femmes qui l’ont devancée chronologiquement dans l’Histoire Sainte. Marie est à la fois Sara[3] la femme de la bénédiction mère des croyants, Rebecca[4] la très belle vierge qui s’apprête à être la femme d’Isaac le fils de l’Alliance, Rachel[5] que Dieu a visitée pour lui accorder un fils, Miryam[6] la sœur de Moïse femme de louange, Anne[7] la mère de Samuel grande inspiratrice du Magnificat, Ruth[8] la moabite grand-mère de David qui servit sa belle mère avec amour et abnégation comme elle l’a fait pour sa parente la vieille Elisabeth.

Marie est Esther[9] et Judith[10] qui ont sauvé toutes les deux leur peuple grâce à leur foi et à leur intelligence du cœur, comme à Cana où par sa prévenance, elle a fait hâter l’heure de son Fils, celle du salut ultime de la croix.

Marie dans la chambre haute du cénacle, au milieu des apôtres, est pareille à Déborah[11], Hulda[12] et Abigaèl[13], les prophétesses qui ont su agir avec sagesse et justesse et qui furent des références fiables pour les anciens du peuple; auprès d’elles ils venaient chercher conseil, discernement et décision.

 

Marie, trône de la Sagesse

Marie de Nazareth est la nouvelle Reine de Saba[14]. L’ancienne était venue chercher la sagesse auprès du roi Salomon, alors que la nouvelle Reine[15] de la terre et du ciel siège à la droite de son Fils et Roi, tout en lui servant de trône. En comparaison avec la requête de l’ancienne Reine de midi, “ici il y a plus grand que Salomon[16], dira Jésus. A la suite de son unique Roi, Marie écoute son Fils et se délecte des paroles de sagesse qui coulent de sa bouche.

Marie de Nazareth est également comparable à la femme de la Sagesse “qui a sa noble origine en Dieu”[17] dont elle tire toute sa grâce[18] et avec qui elle demeure. Elle est la femme vertueuse, la perle fine décrite dans le livre des Proverbes, celui qui la trouve, trouve le bonheur, “car son prix est bien au-delà des rubis”[19].

 

Marie fille des Ecritures

Marie de Nazareth est une jeune femme juive faisant partie de ce petit reste[20] qui attend le salut du peuple. Elle est issue d’une famille pieuse qui connait la Loi et les Prophètes et qui pratique le Sabbat.  D’après la Tradition, les parents de Marie, Joachim et Anne font partie des justes d’Israël, de ceux qui attendent le salut promis par Dieu au peuple de l’Alliance. En bons juifs ils ont dû observer la Loi et les préceptes, faire le pèlerinage jusqu’au temple de Jérusalem une fois par an, jeûner et prier trois fois par jour, réciter les Barakhot, le Shéma’ Israël[21] et les psaumes. Ils ont dû faire l’aumône et aimer leur prochain. A son tour Marie, fille de Sion, a dû elle aussi suivre l’exemple de ses parents. Et quand plus tard à Nazareth, elle avait à élever Jésus, l’Enfant de la grâce, avec Joseph son époux, elle a dû, à son tour, lui apprendre ce que ses parents lui avaient appris de faire. La lecture de la Parole de Dieu a dû être au centre de leur vie. On l’imagine en train de lui lire certains passages des prophètes, particulièrement d’Isaïe, concernant le Messie qui va venir et qui va sauver son peuple.  Le Magnificat que Luc met sur ses lèvres est-il autre chose qu’une réminiscence biblique, particulièrement du cantique d’Anne, mère de Samuel ? Etait-ce une simple composition littéraire ou bien une remontée spontanée de cette lecture et cette fréquentation assidue des Ecritures ? A travers sa rencontre avec l’ange de l’Annonciation, avec Elisabeth de la Visitation, avec les Bergers et les Mages de Bethléem, avec Siméon et Anne fille de Phanouël au Temple et tous les événements qui ont précédé et suivi le silence de Nazareth, elle n’a cessé d’en chercher le sens à la lumière des Ecritures, en méditant dans son cœur, comme nous dit l’Evangile[22].

 

Marie Fille d’Abraham

Par son obéissance et sa disponibilité, Marie s’avère être la fille par excellence d’Abraham le Père des croyants. Abraham fut et reste un exemple de promptitude et de docilité aux motions de l’Esprit de Dieu qu’il a entendu au fond de son cœur et pour qui il a quitté son pays, sa tribu et à qui a offert son fils unique. Comme Abraham, elle a cru à l’impossible en y répondant avec hâte et sans délai comme disent les Ecritures et “ce lui fut compté comme justice”[23].

  Dès que Marie est enclenchée dans le projet de Dieu, elle se met en route avec promptitude et empressement. Elle court chez sa vieille cousine Elisabeth[24], la sert, la porte, la soulage, l’accompagne. Le moment venu, elle revient chez elle pour faire face à tous les imprévus dans sa condition. Quand un édit de César Auguste, ordonnant le recensement de tout le monde habité et que Marie se trouvant enceinte, elle se met aussitôt en route avec Joseph pour accomplir une loi venue du pouvoir politique[25]. Et quand le moment est venu d’accomplir les lois de Moïse, celle du 8ème jour[26] et celle du 40ème jour[27], elle ne se dérobe pas, mais accomplit ce qu’il lui revient en toute docilité et dans un silence évangélique. L’Evangile nous relate les gestes de Marie qui parlent éloquemment de présence, d’obéissance, de méditation et de discrétion et ceci sans qu’elle profère un seul mot, à part bien sûr le Fiat et le Magnificat.

 

Marie, femme de l’hospitalité de la présence prévenante

Marie, fille d’Abraham qui a accueilli sous le chêne de Mambré les trois anges de Dieu a fait bon accueil à l’Ange Gabriel, l’envoyé du Très-Haut. Elle est préfigurée également par le portrait de la Veuve de Serapta[28], la femme  de l’hospitalité et de l’accueil, celle qui donne tout au prophète de Dieu, dans une confiance totale au détriment de sa propre mort. En accueillant le Fils de la grâce dans ses entrailles, Marie s’ouvre et se retire à la fois pour offrir toute la place à l’Enfant de la prophétie. Puis au moment venu, elle offre son Trésor divin au monde en l’emmaillotant et en le déposant dans une mangeoire à Bethléem[29]. Cet acte d’offrande ne cesse de se réitérer et de grandir dans la vie de Marie jusqu’à l’offertoire de la croix. Marie est aussi la Femme de l’Apocalypse[30] qui enfante le Fils dans le désert de ce monde en cherchant à le protéger des coups menaçant du dragon.

Par ailleurs, lors de ces fameuses noces[31] de Cana, une petite bourgade de la Galilée, L’évangéliste Jean nous conduit dans les dédales de l’arrière scène, là où les dessous et les revers de la fête se déroulent. Il nous met sur la piste d’une Marie qui rôde du côté des cuisines pour voir, veiller et prévenir l’irréparable en ce jour de fête. Et comme un écheveau de communion, elle va d’un endroit à un autre, de son Fils aux serviteurs, pour hâter l’impossible : “que me veux-tu femme, mon heure n’est pas encore venue”[32]. Et pourtant, ce que Marie veut, Dieu veut aussi, puisque ce que Dieu a voulu, Marie l’a voulu aussi. C’est la loi de la réciprocité simple et pure. C’est là que le caractère d’une femme affermie se révèle. Elle est là, murmurant à l’oreille de son Fils : “Ils n’ont pas de vin[33]. Elle propose, conseille et ordonne aux serviteurs : “Faites tout ce qu’il vous dira[34], puis se retire en toute discrétion de la scène pour laisser toute la place au mystère de son Fils qui se révèle aux disciples et aux invités qui apprécient un excellent vin jamais dégusté auparavant.

 

Marie femme de l’écoute obéissante

” Qui est ma mère et qui sont mes frères ? “ (Mt 12,48).

Marie, la Mère de Jésus, comme toutes les mères est à la recherche de son fils qui ne cesse de pérégriner sur les routes de Galilée et de Judée. Très tôt, à l’âge de douze ans déjà elle l’a recherché avec Joseph son époux, pour le trouver au bout de trois jours au Temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant[35].

Bien plus tard, après que Jésus quitte le logis de Nazareth pour sa vie publique et sa mission, Marie le suit de loin, écoute son enseignement, le couve de son regard maternel et admiratif, se met au dernier rang parmi la foule qui se presse autour de son fils. Discrètement sans bruit ni fanfare, elle est là en mère, en disciple assidue, entourée de quelques proches. Quelqu’un a-t-il dû la reconnaître?  ” Voici ta mère et tes frères qui se tiennent dehors et cherchent à te parler [36], lui dit-on. Jésus prononce alors ces étranges paroles: ” Qui est ma mère et qui sont mes frères ? “[37]. Et tendant la main vers ses disciples, il ajoute : ” Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère. ” [38]. Elle, était-elle autre chose qu’écoute, que Fiat, depuis ce mémorable jour de l’Annonciation?

Marie-écoute ! Ce titre lui va à merveille, plus qu’à aucune autre personne du genre humain ! “L’écoute” se conjugue si bien avec le silence, l’accueil, la disponibilité et l’intelligence du cœur, l’humilité et l’obéissance, la docilité à l’Esprit Saint et l’amour qui a su envelopper le Fils de Dieu de sa tendresse. Voilà en quoi se résume la Marie de l’Evangile : en une petite rencontre avec l’Ange Gabriel, en un petit verset: “Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole”[39], elle a su accueillir le ciel pour le cacher au fond de ses entrailles le temps qu’il faut avant de l’offrir au monde et ceci jusqu’au bout de l’amour offert, jusqu’au bout de la croix. Il a suffi d’une attitude, d’un geste et d’une parole pour que les bénédictions du ciel se déversent sur la terre, comme la pluie sur une terre desséchée. De ce fait elle est appelée à juste titre épouse de l’Esprit Saint, Esprit de Sainteté, Esprit qui aime habiter les cœurs en les transformant en temples de Dieu. Marie est, en vérité, le premier véritable écrin qui a su être accueil et que la Sainte Trinité a choisi comme réceptacle.

 

Hymne à Marie, Nouvelle Eve, modèle inédit de la femme

Marie, toi, femme de notre pâte, glaise de notre humanité

Dieu t’a façonnée avec le plus grand soin

Pour te rendre le modèle inédit de nous toutes.

 

Avec grâce et avec amour, il a pétri les plis de ton cœur, les replis de ton âme

Avec tendresse, il a préparé tes entrailles de vierge

Comme un écrin précieux, pour une Perle précieuse : Jésus

 

Il t’a fait habiter le silence

tu n’étais que douceur, tendresse et écoute

Marie Tendresse ! Marie Ecoute ! Marie douceur ! Marie Lumière !

 

Marie Prévenance !

Tu as vu venir le désastre à la noce de Cana

Et tu es allée au devant pour l’empêcher d’arriver

Donne-nous tes yeux, tes oreilles, ton intuition de femme

Pour voir, sentir et prévenir

les souffrances que nous pouvons alléger autour de nous

 

Marie de Nazareth ! Femme cachée !

Qui n’as cherché à te faire valoir du trésor que tu  portes

Et pourtant…

Fais que nous ne cherchions pas la parade et que nous demeurions sereines et effacées

Tout en étant efficaces dans l’accomplissement de notre vocation

Fais que nous vivions dans l’humilité du jour, avec modestie, sans emphase ni fanfaronnade

 

Marie de Bethléem ! Femme, donatrice de vie !

tu as livré ton Fils aux petits, aux simples et aux rois de ce monde, sans retenue

et pourtant tu retenais tout dans ton cœur et tu méditais le mystère…

Fais qu’après avoir reçu et enfoui la Parole, nous en jouissions

Et qu’à notre tour nous la remettions à qui veut la couver tendrement

 

Marie  des routes incertaines…

de Nazareth à Aïn Karem… de Galilée à Bethléem…

De Judée en Egypte… De l’Egypte à Nazareth… Et puis… Sur les routes de la Palestine

A la recherche de ton Fils… Tu n’as cessé de pérégriner à sa suite ! Toi, nomade de l’Eternel

Apprends-nous, tout comme toi, à garder nos yeux rivés vers la demeure du Père, et que rien ne nous retienne prisonnières d’ici-bas

 

Marie Ecoute ! Marie Attente ! Marie du calvaire et de la Résurrection ! Marie Reine du ciel et de la terre ! Marie Reine des cœurs !

Façonne notre cœur de femmes à la manière du tien. Qu’il soit le lieu de la compassion… Le lieu de l’accueil et de l’écoute… Le lieu du silence et de la méditation… Le lieu de  l’ouverture universelle… Le lieu de l’offrande et de l’amour qui ne connaisse ni limite, ni condition, ni retenue, ni reprise. Et qu’à ton exemple nous sachions aimer jusqu’au bout… à la suite de ton Fils. Et qu’avec lui nous puissions dire : ” Nul ne prend ma vie, c’est moi qui la donne”…

 

Par ton intercession, apprends-nous à marcher vers ton Fils, vers les bras du Père, enveloppées par l’aile et le souffle de l’Esprit Saint, toi qui as su le faire, toi la première, l’unique, et la plus belle de toutes les femmes de toujours. Amen

 

 

 

Nous clôturons ces quelques pages avec ce texte de Saint Bernard qui a tant aimé Marie :

Marie

Que son nom ne quitte pas tes lèvres,

qu’il ne quitte pas ton cœur

et pour obtenir la faveur de ses prières,

n’oublie pas les exemples de sa vie.

 

En suivant Marie, on ne dévie pas,

en la priant, on ne désespère pas,

en pensant à elle, on ne se trompe pas.

 

Si elle te tient par la main, tu ne tomberas pas.

Si elle te protège, tu ne craindras pas.

Si elle te guide, tu ne connaîtras pas la fatigue.

Si elle est avec toi, tu es sûr d’arriver au but.

 

Saint Bernard

(1090-1153)

Maison-Mère, le 6 mai 2012

Sœur Marie Antoinette Saadé

Congrégation des Sœurs Maronite de la Sainte Famille

 

 

 

 

 

 

 

[1] Cf. Gn 3, 20

[2] Cf. Jn 19, 36-37

[3] Cf. Gn. 17, 15-16

[4] Cf. Gn. 24, 16.60

[5] Cf. Gn. 30, 22-24

[6] Cf. Ex 15, 20-21

[7] Cf. 1 Sam 2, 1-10

[8] Cf. Ruth 1, 16 ;  Ruth 3, 11 ; Ruth 4, 14-17

[9] Cf. Esther 4, 8-a. 16   

[10]  Cf. Judith 8-10

[11]  Cf. Juges 4, 4- 14

[12]  Cf. 2 Rois 22, 14

[13]  Cf. 1 Sam 25

[14]  Cf. 1 Rois 10, 1

[15]  Cf. Cantique 6, 8-10 “Qui est celle-ci qui surgit comme l’aurore, belle comme la lune, resplendissante comme le soleil?”

[16]  Cf. Mt 12, 42

[17] Cf. Sagesse 8, 3

[18]  Cf. Lc 1, 28

[19]  Prov. 31:10

[20] Cf. Bar 2, 13

[21] Cf. Dt 6, 4-9

[22] Cf. Lc 2, 19. 51

[23]  Rm 4, 3

[24] Cf. Lc

[25] Cf. Lc 2, 1-5

[26] Cf. Mt

[27] Cf. Lc

[28]  Cf. 1 Rois 17

[29]  Cf. Lc 2, 7

[30]  Cf. Ap 12

[31]  Cf. Jn 2

[32] Jn 2, 4

[33] Jn 2, 3

[34]  Jn 2,5

[35]  Lc 2, 46

[36]  Mt 12, 46

[37]  Mt 12, 48

[38]  Mat 12, 50

[39]  Lc 1, 38

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